Trois ONG ont tenu avant-hier à Tunis un congrès sur les perspectives d’avenir de la justice transitionnelle post-IVD : Avocats sans frontières, Bawsala et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux.
C’est le second congrès organisé par la société civile sur ce sujet. Il a réuni des membres du Conseil supérieur de la magistrature, des parlementaires, un représentant du haut-commissariat des droits de l’homme, des activistes de la société civile pro justice transitionnelle, des commissaires de l’IVD, des économistes et des victimes. Le premier congrès remonte à novembre 2016, alors que l’Instance vérité et dignité était encore en fonction. Les conflits entre l’Instance et le pouvoir au niveau de ses trois têtes, présidence de la République, gouvernement et parlement, étaient alors à leur comble. La situation semble avoir changé depuis l’élection de Kaïs Saïed à la tête de l’Etat et la nouvelle composition de l’Assemblée des représentants du peuple.
«Donnez des preuves de votre bonne foi !»
Une nouvelle preuve de ce changement a été présentée avant-hier lors du congrès. Pour la première fois, un représentant du chef du gouvernement ne décline pas l’invitation pour intervenir dans une telle rencontre sur un sujet aussi problématique — notamment pour l’équipe de Youssef Chahed — que la justice transitionnelle. Du coup, les participants découvrent que le chef du gouvernent dispose d’un conseiller sur la JT, Belhassen Ben Amor, juriste de profession. Bien qu’arrivé tard et parti avant la fin du panel, Belhassen Ben Amor a fait des déclarations importantes pour l’avenir du processus. Il assure : «Nous allons publier le rapport final de l’IVD et la liste des blessés et des martyrs de la révolution sur le Journal officiel et activer le Fonds de la dignité pour le dédommagement des victimes. Nous sommes en train de répondre à toutes les demandes de l’IVD».
Belhassen Ben Amor informe, d’autre part, qu’une commission composée de juristes a été mise en place auprès du Chef du gouvernement pour étudier toutes les questions restées en suspens après la clôture des travaux de la commission Vérité et trouver des réponses à tous les dossiers en lien avec le processus. Ainsi a-t-il signalé : «2.700 décisions de réparations n’ont pas été attribuées à leurs bénéficiaires. Nous nous sommes engagés, en coordination avec l’IVD et ses bureaux régionaux, à les transmettre aux victimes concernées».
Pour Antonio Manganella, Directeur du bureau d’ASF, les positions prises par le passé par les politiques envers la JT montrent que la volonté de faire bouger les lignes en rompant avec l’ancien système n’existent pas. Dans le bilan qu’il établit des actions hostiles des autorités, il rappelle des séquences historiques, comme l’adoption par le parlement en septembre 2017 de la loi sur la réconciliation administrative. Il revient aussi à la plénière de mars 2018 consacrée au vote de l’ARP contre la décision de prolongation de son mandat par l’IVD et enfin au draft sur le projet de la loi d’amnistie proposé par le ministère des Relations avec les Instances Constitutionnelles en avril 2019.
«Donnez à la société civile des preuves par les actes que vous voulez vraiment faire évoluer les choses !», clame le Directeur d’ASF.